Néphropathies glomérulaires

Définition

Les néphropathies glomérulaires ont une présentation et une évolution aiguë et/ou chronique. Elles sont parfois secondaires à une maladie générale (infection, maladie métabolique, maladie auto-immune…).

L’atteinte rénale peut être isolée. Le diagnostic des néphropathies glomérulaires repose sur les données de l’histologie rénale analysées en microscopie optique et en immunofluorescence (présence de dépôts).

Le pronostic, le traitement et la surveillance sont spécifiques à chacune des glomérulopathies.

Diagnostiquer une néphropathie glomérulaire

Le diagnostic de néphropathie glomérulaire repose sur l’identification du Syndrome glomérulaire, et sur la recherche systématique d’une entité pathologique sous-jacente. Le diagnostic est souvent confirmé si besoin par une Biopsie rénale.

Syndrome glomérulaire

Une pathologie glomérulaire est évoquée devant l’un ou les deux signes suivants :

Protéinurie :

  • dépistée par la Bandelette urinaire
  • confirmée par le dosage biologique (en g/g de créatininurie ou en g/24 heures)
  • composée principalement d’Albumine
  • avec ou sans Syndrome néphrotique (protéinurie ≥ 3 g/g ou g/24 h, albuminémie < 30 g/L)

Hématurie :

  • microscopique (hématies > 10/mm3 ou 104/mL) +/− hématies déformées ou Cylindres hématiques
  • macroscopique totale, indolore, sans caillots

Trois autres signes peuvent être associés :

La combinatoire de ces signes permet d’identifier différents syndromes glomérulaires (cf. tableau 1) qui permettent d’orienter le diagnostic, d’évaluer l’urgence et le risque de complications, et d’estimer le pronostic.

Syndrome d’hématurie macroscopique récidivante
Syndrome de glomérulonéphrite chronique
Syndrome néphrotique
Syndrome néphritique aigu
Syndrome de glomérulo­néphrite rapidement progressive

Connaître les principales maladies générales et les principales maladies infectieuses virales et bactériennes pouvant se compliquer d’atteinte glomérulaire

Elles doivent être recherchées de façon systématique devant tout signe d’atteinte glomérulaire. L’interrogatoire, l’examen clinique (tableau 2) et les examens biologiques (tableau 2 et tableau 3) peuvent orienter le diagnostic.

Tableau 2 : Principales entités pathologiques pouvant se compliquer de néphropathies glomérulaires
Entités pathologiques Atteintes ou signes extrarénaux, ou anomalies biologiques Atteinte rénale
Infections bactériennes Aiguës Angine, Infections cutanées, Endocardite, Arthrite GN aiguë post-infectieuse, Néphropathie à IgA (maladie de Berger)
  Chroniques Endocardite d’Osler, Ostémyélite, Tuberculose, Lèpre GN avec prolifération endo ± extracapillaire des infections bactériennes chroniques, amylose AA
Infections virales VIH SIDA HIVAN [=Néphropathie associée au virus HIV]
  Hépatite B PCR positive GEM
  Hépatite C
  • PCR positive
  • Vascularite des artères de petit calibre (purpura vasculaire, livedo…)
rein de cryoglobulinémie, voire GEM
Maladies
métaboliques
Diabète Neuropathie diabétique, rétinopathie diabétique Néphropathie diabétique
Maladies
systémiques
Vascularites
  • Altération de l’état général, myalgies, arthralgies, purpura vasculaire, livedo, hémorragie alvéolaire (dyspnée, hémoptysie), hémorragie digestive, épistaxis, rhinite croûteuse, sinusite, signes neurologiques (centraux ou périphériques), uvéite, épisclérite
  • ANCA (polyangéite microscopique et granulomatose avec polyangéite),
  • Anti-MBG (maladie de Goodpasture)
Syndrome de GNRP compliquant :
  • Polyangéite microscopique
  • Granulomatose avec micropoly angéite (ex-Wegener)
  • Maladie de Goodpasture
  • Purpura rhumatoïde
  • Vascularite infectieuse avec GN infectieuse
  Lupus Cf. chapitre lupus GN lupique classes I, II, III, IV, V (GEM)
  Maladies inflammatoires chroniques (Polyarthrite rhumatoïde, spondylarthropathies, Maladie périodique…), MICI
  • Signes articulaires,
  • digestifs…
  • Amylose AA
  • Néphropathie à IgA
Gammapathies
monoclonales
Myélome, Gammathie monoclonale à signification rénale cf. chapitre atteintes rénales du myélome et amylose AL Syndrome néphrotique ± insuffisance rénale, Amylose AL ou autres maladies à dépôts d’immunoglobulines (Randall)
Maladies génétiques   Antécédents familiaux, surdité, lenticône Syndrome d’Alport
HIVAN = Néphropathie associée au virus HIV ; MICI : maladie inflammatoire chronique intestinale ;
Tests biologiques utiles au diasgnostic
Tableau 3  : Tests biologiques utiles au diagnostic (prescrits en fonction des conclusions cliniques)
Anticorps anti-nucléaires et Anticorps anti-ADN natifs : Lupus
— Complément sérique CH50 et fractions C3, C4 : Glomérulonéphrite aiguë post-infectieuse, Lupus, Cryoglobulinémie
ANCA [=Anticorps anti-cytoplasme des polynucléraires neutrophiles]  : Vascularites
Anticorps anti-membrane basale glomérulaire  : Maladie de Goodpasture
Cryoglobulinémie et Sérologie hépatite C : rein de cryoglobulinémie
Électrophorèse des protéines plasmatiques, Électrophorèse des protéines urinaires et Dosage spécifique des chaînes légères d’Immunoglobulines sérique : Amylose AL ou autre maladie à dépôts d’immunoglobulines (Randall)
Anticorps anti-PLA2R : Glomérulonéphrite extra-membraneuse primitive
Sérologie Hépatite B, Sérologie hépatite C, Sérologie VIH

Diagnostic histologique

Biopsie rénale

Indications : devant tout syndrome de néphropathie glomérulaire.

À l’exception des quatre cas suivants où la PBR n’est pas réalisée :

  • syndrome néphrotique pur chez un enfant âgé de 1 à 10 ans,
  • rétinopathie diabétique au fond d’œil sans hématurie chez un patient ayant un diabète connu
  • amylose documentée sur une biopsie non rénale (glandes salivaires)
  • glomérulopathie héréditaire déjà documentée dans la famille.

Intérêt : il est triple :

  • intérêt diagnostique : le type histologique oriente l’enquête étiologique
  • intérêt thérapeutique : certaines néphropathies glomérulaires relèvent d’un traitement étiopathogénique
  • intérêt pronostique.
Histologie du glomérule normal

La structure du glomérule est représentée dans la figure 1. Il existe 3 types de cellules glomérulaires :

  • les cellules épithéliales
    • cellules épithéliales pariétales : elles tapissent la capsule de Bowman
    • cellules épithéliales viscérales (ou podocytes)  : elles sont en contact avec le versant externe de la membrane basale glomérulaire (MBG) par l’intermédiaire d’extensions cellulaires appelées pédicelles.
  • les cellules endothéliales : elles sont fenestrées et constituent la paroi du capillaire glomérulaire. Elles reposent sur le versant interne de la MBG.
  • les cellules mésangiales : elles sont présentes dans le mésangium qui est un tissu de soutien. Elles élaborent de nombreuses protéines de la matrice extracellulaire et sont capables de se contracter, modulant ainsi la surface de filtration glomérulaire.

La membrane basale glomérulaire à l’interface des cellules endothéliales et des podocytes.

La barrière de filtration est donc constituée :

  • sur son versant dit interne par la cellule endothéliale
  • par la membrane basale glomérulaire
  • et sur le versant dit externe par le podocyte et ses pédicelles reliés les uns aux autres par les diaphragmes de fente.


Figure 1 : histologie du glomérule

Trois techniques d’étude du glomérule sont utilisées :

  • l’histologie «  standard  » au Microscope optique, utilisant les colorations PAS, trichrome et argentique
  • l’examen par Immunofluorescence utilisant des anticorps dirigés contre les IgG, les IgA, les IgM, le C3, le C1q, les chaînes légères d’immunoglobines kappa et lambda, et la fibrine
  • l’examen en Microscopie électronique qui permet d’étudier la structure de la membrane basale glomérulaire (syndrome d’Alport…), des podocytes et des dépôts.
Les lésions glomérulaires élémentaires

Selon leur étendue, les lésions observées peuvent être :

  • Segmentaires (une partie du glomérule) ou globales (tout le glomérule)
  • Focales (quelques glomérules) ou diffuses (tous les glomérules).

D’une manière très schématique, les lésions glomérulaires élémentaires sont au nombre de 4.

La prolifération cellulaire

Tous les types cellulaires présents peuvent être concernés. Les corrélations anatomo-cliniques sont résumées dans le tableau 4.

Tableau 4 : Prolifération cellulaire
Dénomination Type cellulaire Traduction clinique
Prolifération mésangiale Cellules mésangiales Atteinte rénale peu sévère lorsqu’isolée, observée au cours de nombreuses pathologies aiguës ou chroniques
Prolifération endocapillaire Cellules endothéliales, et infiltration par des polynucléaires et monocytes Atteinte inflammatoire aiguë (exemple GNA) avec insuffisance rénale modérée inconstante
Prolifération extracapillaire Cellules épithéliales pariétales Insuffisance rénale aiguë, par exemple au cours des glomérulonéphrites rapidement progressives (à croissants)
La sclérose (ou fibrose)

C’est l’accumulation cicatricielle d’un matériel de nature collagénique remplaçant la totalité du glomérule détruit (glomérule scléreux dit «  en pain à cacheter  ») ou une partie du glomérule détruit (sclérose segmentaire).

Les dépôts d’immunoglobulines (IgG, IgM, IgA) ou de complément

Le tableau 5 résume les différentes localisations possibles.

Tableau 5 : Les dépôts d’Immunoglobulines
Dénomination Localisation des dépôts
Mésangiaux Au sein du mésangium
Endomembraneux Espace sous endothélial (versant interne de la MBG)
«  intramembraneux  » Dans la membrane basale glomérulaire
Extramembraneux Au contact des podocytes (versant externe de la MBG)
Autres dépôts

 Ils sont constitués :

L’analyse des lésions élémentaires permet de faire le diagnostic histologique de la néphropathie glomérulaire (cf. tableau 6).

Tableau 6 : Principaux diagnostics histologiques des néphropathies glomérulaires
Maladie ou syndrome Prolifération Dépôts
Lésions glomérulaires minimes Non Non
Hyalinose segmentaire et focale Non Hyalins, segmentaires, IgM
Glomérulopathie extra-membraneuse Non IgG et C3 sur le versant externe de la MBG : granuleux (extramembraneux)
Amylose Non Dépôts amyloides de SAA dans l’amylose AA, monotypiques de chaines d’immunoglobuline dans l’amylose AL
Néphropathie diabétique Non Accumulation de matrice extracellulaire glycosylée
Néphropathie à IgA
  • Mésangiale
  • ± endocapillaire
  • ± extracapillaire
IgA et C3 mésangiaux ± endocapillaires
Lupus
  • Extracapillaire
  • ± endocapillaire
  • ± mésangiale
  • Dépôts d’IgG, IgA voire IgM, C3 et C1q +++
  • Mésangiaux ± capillaires ± extramembraneux selon la classe (cf. chapitre lupus)
Glomérulonéphrite compliquant les infections bactériennes
  • Endocapillaire
  • ± mésangiale
  • ± extracapillaire
Dépôts de C3 et IgG voire IgA et IgM
Glomérulonéphrites des vascularites associées aux ANCA Extracapillaire Non
Maladie de Goodpasture Extracapillaire Dépôts d’IgG linéaires le long de la MBG

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